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Stupéfiant

Je découvre, grâce au blog New Liturgical Movement, le « Misteri d’Elx », mystère de l’Assomption, en deux parties (la Vespra, la Festa), qui se déroule chaque année à Elx (Elche), dans la Communauté valencienne.

Le soir du 14 août c’est la mort de la Vierge, et le 15 août c’est l’Assomption et le Couronnement. Description sur Wikipedia, synopsis et textes chantés (en « valencien », ou catalan méridional et fragments liturgiques en latin) ici en espagnol, en anglais – mais le catalan est assez facile à lire pour un Français.

Il y a là un chant multiforme et pourtant unifié par le cours des siècles, du chant byzantin, du chant mozarabe, du chant, comment dire,… méditerranéen, comme ce chœur des apôtres à trois voix qui entonne une mélodie quasi corse (ou sarde) qui se résout dans une polyphonie renaissance, et il y a des motets du XVIe siècle espagnol comme on en composait… en Amérique.

Le dispositif scénique est impressionnant, avec d’abord cette « grenade » qui descend du ciel (la voûte est très haute) et se déploie en une sorte de palmier habité par un ange. La deuxième fois que le ciel s’ouvre c’est pour laisser passer cinq anges qui chantent en scandant des accords de guitare et de harpe, ils viennent chercher l’âme de Marie et remontent en chantant. Très lentement. Tout est très lent, tout est incroyablement contemplatif pour un spectacle qui se déroule en Espagne. C’est du théâtre sacré. Du vrai théâtre sacré.

Le premier grand moment de la deuxième partie est quand les juifs tentent de s’emparer du corps de la Vierge et finissent pas se convertir et se faire baptiser par saint Pierre (avec la palme d’or que l’ange est venu donner à Marie au premier acte). Après la mise au tombeau il y a de nouveau la descente des anges qui viennent chercher Marie en son corps pour être couronnée (avec un chant littéralement inouï, provenant sans doute d’antiques polyphonies populaires). Alors arrive saint Thomas qui n’était pas là (comme d’habitude), et chante une très sublime déploration. Et c’est le clou du spectacle : alors que la Vierge et les anges sont suspendus à mi-hauteur, descend la Sainte Trinité, qui vient couronner la Vierge au son d’un chant analogue à celui des anges. La couronne descend dans une pluie d’or, et le tout déclenche des applaudissements et des acclamations de la foule. Puis la Sainte Trinité et la Vierge et les anges montent au ciel et disparaissent, dans un délire de hourras. Quand la foule se calme est chanté le dernier motet, hiératique : la doxologie Gloria Patri et Filio… Et les hourras reprennent, en l’honneur de la Reine du Ciel et de la Terre.

C’est incroyable que de telles choses existent encore dans notre monde.