Close

Samedi de la troisième semaine de carême

La première lecture de la messe de ce jour est, selon la Bible grecque, un livre entier : le livre de Suzanne. Il est le premier des trois derniers livres de la Bible : Suzanne, Daniel, Bel, qui sont dans le canon latin regroupés sous le nom de Daniel et placés à la fin des grands prophètes, avant les 12 « petits prophètes ».

Dans les Bibles grecques, le texte de Suzanne, Daniel et Bel n’est pas celui de la Septante mais celui de Theodotion (qui avait retraduit toute l’Ancien Testament dans la deuxième moitié du IIe siècle). Et Theodotion avait (logiquement) placé Suzanne avant Daniel (puisque Daniel y est très jeune), alors que saint Jérôme le mit en appendice de Daniel.

Il s’agit d’un des textes grecs de l’Ancien Testament (donc non pas traduit, mais transmis par Theodotion), et pour cela rejeté du canon de l’Ecriture par les juifs (puis par les protestants).

Contrairement à d’autres textes que nous n’avons plus qu’en grec mais qui furent originellement en hébreu (ou en araméen), le texte de Suzanne paraît bien être originellement grec (bien que les noms soient hébreux, à commencer par Suzanne qui veut dire lis). On en a une preuve par le jeu de mots de Daniel confondant les vieillards lubriques. Pour disculper la chaste Suzanne, Daniel interroge séparément les deux hommes et leur demande sous quel arbre ils ont vu Suzanne commettre l’adultère. Ils se contredisent, et Daniel utilise le nom de chaque arbre comme prédiction de leur condamnation à mort. Le premier dit que c’était sous un lentisque (skhinos), Daniel lui dit qu’il sera fendu (skhisi). Le second dit que c’était sous un chêne vert (prinos), Daniel lui dit qu’il sera scié (prisai).

Saint Jérôme souligne le fait dans la préface à sa traduction, et il dit qu’on pourrait trouver en latin des équivalents : c’était sous le chêne vert (ilice), tu périras illico (que saint Jérôme écrit avec un seul “l”), sous un lentisque (lentisco), tu seras réduit en lentille (lentem), ou ce n’est pas sans hâte (non lente) que tu périras.

Mais dans sa traduction il ne cherche pas du tout à adapter les jeux de mots, par respect envers le texte, alors qu’on ne comprend plus ce que veut dire Daniel. C’est d’autant plus curieux qu’il garde les noms grecs des arbres : sub schino, sub prino (ce texte est la seule référence que donne le Gaffiot), comme s’il en avait besoin pour des jeux de mots… qui ne viennent pas.

On trouve des représentations de l’histoire de Suzanne dès les catacombes, et sur des sarcophages (comme en Arles celui qui est dit « de la chaste Suzanne » bien que ce soit qu’une des quatre scènes bibliques représentées). Voici la miniature de la Bible mozarabe de 960 conservée à la basilique Saint-Isidore de Leon. On voit Suzanne en orante, comme dans les catacombes, avec à droite les très laids vieillards au visage déformé par la luxure et la haine, et à gauche Daniel siégeant en juge.

 Les enluminures du L[...].png