Dans sa volonté insensée de gommer les hébraïsmes (au lieu de les préserver comme le faisaient les traducteurs grecs et latins), la TOB n’hésite pas à supprimer des mots de l’Ecriture sainte et à détruire des images qui font partie du patrimoine chrétien.
Ainsi, dans l’Epitre aux Ephésiens (1,18), la TOB dit : « Qu’il ouvre votre cœur à sa lumière. »
Or le texte dit : « Les yeux de votre cœur ayant été illuminés » (un parfait passif qui indique l’action de Dieu accomplie et dont le résultat demeure).
La TOB veut éviter « les yeux du cœur », qu’elle considère comme un hébraïsme. Ce faisant, elle mutile le texte. Non seulement l’image des « yeux du cœur » est immédiatement compréhensible par tout le monde (« on ne voit bien qu’avec le cœur », dit le Petit Prince), mais elle est utilisée par tous les pères de l’Eglise et les auteurs spirituels. Or les auteurs de la TOB ne peuvent pas censurer tous les pères de l’Eglise et les auteurs spirituels. Donc il est absurde de censurer saint Paul où s’origine cette image (dans la continuité des psaumes où elle se trouve en substance mais pas dans les termes).
En outre, l’œil du cœur fait l’objet d’un enseignement du Christ. Et ce n’est pas un hasard si cet enseignement est détruit par la traduction de la TOB. C’est en Matthieu 6,22 ou Luc 11,34 (texte quasi identique). Selon la TOB : « La lampe de ton corps, c’est l’œil. Quand ton œil est sain, ton corps tout entier est aussi dans la lumière ; mais si ton œil est malade, ton corps aussi est dans les ténèbres. »
En parlant d’œil sain et d’œil malade, il n’y a plus d’enseignement, il y a un banal constat, même si l’on comprend encore que, malgré ses mots-là, il s’agit de l’œil du cœur, de l’œil de l’âme.
Le mot que la TOB, comme la Bible de Jérusalem (et Crampon, etc.), traduit par « sain », c’est ἁπλοῦς, aplous. Ce mot veut dire « simple ». Il correspond exactement à l’adjectif français, avec tous ses sens possibles : non mélangé, non composé, pur, pas compliqué, évident, et aussi simplet… Avec la précision morale venant de l’Ancien Testament (du mot hébreu ainsi traduit par le grec) : intégrité, rectitude. Le nom, simplicité, est employé plusieurs fois par saint Paul pour définir ce que doit être notre rapport avec Dieu et avec nos frères : sans détours, sans apprêt, sans fard, sans faux-fuyants, sans hypocrisie, comme un enfant ; naïf, pourrait-on dire, si le mot n’était pas devenu, hélas, péjoratif.
Tel est, de même, l’œil simple. La TOB aurait pu traduire… simplement, et mettre une de ses interminables notes, au lieu de suivre les mauvaises traductions existantes.
De même, il n’y a pas d’œil « malade », mais un œil « mauvais ». Le mot, c’est πονηρός, poniros, le dernier mot du Pater : c’est le mauvais, le mal, satanique. L’œil simple attire l’illumination de l’âme, l’œil mauvais la jette dans les ténèbres.
Et la lumière en question, c’est le Christ lui-même, qui est la lumière des hommes.
Ce qui est grave, c’est évidemment la falsification de l’Ecriture, mais c’est aussi la quasi élimination de ce qui a inspiré une théologie des sens intérieurs, d’abord chez Origène pour les grecs, et chez saint Augustin pour les latins. Avec les développements que l’on connaît, par exemple chez saint Bernard qui était particulièrement sensible au goût – et il joue sans cesse sur le double sens de sapere : avoir de la saveur, et comprendre. Le psaume 33 y incitait déjà : « Gustate et videte quoniam suavis est Dominus » : goûtez et voyez comme le Seigneur est suave. Vous voulez savoir comment « traduit » la TOB ? « Voyez et appréciez combien le Seigneur est bon. » Et hop. Il ne reste plus rien…