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Le pendu dépendu

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L’énigme du chapiteau de Vézelay est peut-être résolue. Grâce au commentaire absurde et hétérodoxe de François, inspiré par le théologien hérétique Drewermann. Comme quoi le diable porte pierre…

L’hypothèse d’une lectrice de Benoît et moi est en effet fort séduisante. Elle suggère qu’il s’agit de l’anecdote du « pendu dépendu », miracle de saint Jacques raconté dans le Codex calixtinus.

On lira ci-après la traduction du récit de ce miracle. On aurait donc à gauche le méchant aubergiste, et à droite le pèlerin allemand portant son fils dépendu qui vient de lui parler alors qu’il est mort depuis un mois.

« Du point de vue de l’histoire du pèlerinage, cela est passionnant. Un miracle de 1090 se trouve illustré vers 1135 (achèvement de la nef) : cela est extrêmement récent. L’emplacement du chapiteau n’est pas dû au hasard : premier pilier de la nef à droite en entrant par le grand portail pour accueillir les pèlerins. »

S’il en est ainsi ce serait la première représentation de ce miracle, assez souvent illustré (voir la carte ici), mais pas avant le XIVe siècle semble-t-il. D’autre part le chapiteau aurait été sculpté un peu avant que le miracle soit collationné dans le Codex calixtinus (vers 1150).

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Le pendu dépendu

Il est bon de transmettre à la postérité le souvenir de certains Allemands qui, en l’an 1090 de l’incarnation de notre Seigneur, se rendant en pèlerins sur le tombeau de saint Jacques, arrivèrent dans la ville de Toulouse avec beaucoup de moyens et se logèrent chez un riche aubergiste. Ce méchant, qui simulait sous un extérieur avenant la douceur d’un agneau, les accueillit avec sollicitude et, sous couvert d’hospitalité, les incita traîtreusement à s’enivrer en leur servant diverses boissons. Ô, avarice aveugle, ô, mauvais esprit enclin au mal ! Tandis que les pèlerins dormaient d’un sommeil encore alourdi par l’ivresse, l’hôte malhonnête, poussé par l’esprit de cupidité, cacha en secret dans l’un des sacs des dormeurs une coupe d’argent, afin de les convaincre de vol et de s’approprier ensuite leur pécule. Le lendemain, lorsqu’ils furent partis après le chant du coq, cet hôte inique les poursuivit avec une troupe armée, vociférant : « Rendez-moi, rendez-moi l’argent que vous m’avez dérobé ! » Ceux-ci lui répondirent : « Si tu trouves quelque chose sur l’un d’entre nous, tu n’auras qu’à le faire condamner. »
On les fouilla, trouva la coupe dans le sac de l’un et, confisquant injustement les biens du père et du fils, on les traduisit tous les deux en justice. Le juge cependant, avec une certaine indulgence, ordonna de libérer l’un et de conduire l’autre au supplice. Ô entrailles de miséricorde ! Le père, voulant libérer son fils, se rendit au supplice, tandis que le fils, au contraire, estimait injuste que son père perdît la vie pour son fils et que c’était au fils de subir la peine à la place de son père. Ô vénérable joute de bonté ! Finalement le fils est pendu à sa propre demande pour que son père soit libéré. Quant au père, il poursuit son chemin jusqu’à Saint-Jacques dans les pleurs et l’affliction. Après avoir été sur le vénérable tombeau de l’apôtre, le père prit le chemin du retour et, alors que trente-six jours s’étaient écoulés, fit un détour pour voir le corps de son fils encore pendu. Pleurant, gémissant et se plaignant à fendre le cœur, il disait : « Malheureux que je suis de t’avoir engendré ! Comment puis-je continuer à vivre en te voyant pendu ! » Comme tes œuvres sont magnifiques, Seigneur ! Le fils pendu console le père, lui disant : « Ne t’afflige pas, père très aimant, de mon châtiment, car ce n’en est pas un. Mais réjouis-toi plutôt, car ma vie est plus suave maintenant qu’elle ne l’a été dans toute mon existence passée. En effet, saint Jacques, me soutenant de ses mains, me réconforte avec plein de douceurs. » Entendant cela, le père se rendit en hâte à la ville et rassembla le peuple pour qu’il soit témoin d’un tel miracle de Dieu. Venant et voyant que le pendu vivait encore après un tel laps de temps, les assistants comprirent que l’insatiable cupidité de l’aubergiste était à l’origine de cette accusation et que sa victime devait son salut à la miséricorde divine. Cela a été fait totalement par le Seigneur et c’est admirable à nos yeux. Ils descendirent alors le pendu de son gibet en grand honneur. Quant à l’aubergiste, comme il avait démérité, un jugement unanime le condamna à mort et il fut pendu sur-le-champ. C’est pourquoi quiconque porte le nom de chrétien doit veiller très attentivement à ne pas tromper ses clients ni ses proches, de cette manière ni en quelque façon. Qu’il s’attache au contraire à témoigner aux pèlerins une bienveillance charitable et obligeante, afin de mériter la récompense de la gloire éternelle que Dieu leur donnera.

Trad. B. Gicquel, La légende de Compostelle, Paris, Tallandier, 2003, p. 478

Le faux site du Baptême

L’agence Fides a pondu une dépêche, intégralement reprise par Radio Vatican, indiquant que « le site du baptême de Jésus sera bientôt bonifié et accessible ».

Il s’agit de « la zone de Qasr al-Yahud, qui s’étend autour de la rive occidentale du Jourdain, à la hauteur du lieu identifié par la tradition comme celui du baptême de Jésus Christ ».

Une zone de 100 ha qui va être déminée, un demi-siècle après la guerre des Six jours.

Mais ce que Fides appelle « le site du baptême de Jésus » est déjà accessible, comme l’agence le signale in fine – non seulement accessible mais on y envoie les pèlerins en masse.

Le problème est qu’il ne peut pas s’agir du « site du baptême de Jésus », puisque saint Jean dit explicitement que le baptême eut lieu « au-delà du Jourdain », trans Jordanem. Et il le dit trois fois dans son évangile :

« Cela s’est passé à Béthanie, au-delà du Jourdain, où Jean baptisait » (Jean 1,28).

« Rabbi, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, voici qu’il baptise, et tous vont à lui » (Jean 3,26).

« Et il alla de nouveau au-delà du Jourdain, au lieu où Jean baptisait d’abord, et il y resta. » (Jean 10,40).

Aucune « tradition » ne peut dire autrement. Le vrai site du baptême est en Jordanie. Là où les archéologues jordaniens ont découvert les ruines de neuf églises byzantines et de cinq bassins. D’où la récente décision de l’Unesco de classer officiellement ce site comme celui du baptême de Jésus.

Et le 10 mai 2009 Benoît XVI a posé en cet endroit la première pierre d’une nouvelle église melkite et d’une église latine.

C’est sans aucun doute une bonne nouvelle qu’Israël démine enfin la zone de Qasr al-Yahud. Mais ça n’a aucun rapport avec le baptême de Jésus. Il est regrettable qu’une agence catholique se laisse ainsi manipuler.

Le 1050e anniversaire de la Pologne

Ci-après ma traduction du discours d’Andrzej Duda, président de la République de Pologne, le 15 avril dernier, à l’occasion du 1050e anniversaire du baptême de Mieszko Ier, le premier souverain polonais. Discours prononcé lors d’une session extraordinaire du Parlement, tenue à Poznan, devant les parlementaires, le Premier ministre et le gouvernement, un légat apostolique, le nonce apostolique, le primat et les évêques, de nombreux prêtres, des représentants de Parlements étrangers, des ambassadeurs… Un discours qui montre qu’il y a encore une Europe catholique.

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Le baptême de Mieszko Ier est l’événement le plus important de toute l’histoire de l’Etat polonais et de la nation polonaise. Je ne dis pas : ce fut, je dis : c’est, car la décision prise par notre premier souverain historique a prédéterminé tout l’avenir de notre pays. Notre héritage chrétien continue de façonner les destinées de la Pologne et de chacun d’entre nous, nous le peuple polonais, jusqu’à ce jour. C’est ce que Saint-Père Jean-Paul II avait en tête quand il a observé : « Sans le Christ, on ne peut pas comprendre l’histoire de la Pologne. »

La tradition veut que le baptême du chef des Polanes eut lieu le samedi saint 14 avril 966. Et c’est alors, à ce moment-là, que la Pologne est née. Elle a émergé des eaux baptismales pour une nouvelle vie chrétienne. Elle est née pour le monde, sortant de l’ère préhistorique pour entrer dans l’arène de l’histoire européenne. Elle est également née pour elle-même : en tant que communauté nationale et politique, puisque l’adoption du rite latin du baptême a défini notre identité polonaise. Depuis lors nous avons commencé à penser et à parler de nous-mêmes en tant que « Nous, les Polonais ».

À cette époque, nous avons dit « oui » à la liberté et à l’autodétermination. Nous avons démontré que nous étions capables de construire notre nation et notre propre Etat soucieux de son bien-être. La construire, la défendre, et mourir pour elle. Il n’était pas prédéterminé que cette œuvre allait réussir, qu’une communauté se formerait. Et pourtant, le travail a été couronné de succès. Une communauté s’est construite avec succès sur le fondement de la foi qui a poussé inextricablement depuis lors dans notre identité, se trouvant souvent dans notre histoire comme le principal et ultime bouclier de liberté et de solidarité. En se faisant baptiser, nos ancêtres ont défini le noyau autour duquel la magnifique nation polonaise se formerait. Et aux moments les plus sombres, quand nos ennemis essayaient de détruire l’Église pour que s’effondrent les bases de notre identité polonaise, le peuple polonais défiait cet objectif et se massait dans les temples, poursuivant dans son sens de la communauté, et témoignant ainsi de la sagesse éternelle de la décision prise jadis par nos ancêtres.

C’est pourquoi l’année 966 est le point de repère le plus important de notre histoire. Par notre cérémonie solennelle de ce jour, nous célébrons le 1050e anniversaire de la naissance de notre nation et notre patrie. C’est un honneur insigne et une grande joie que nous soyons tous réunis ici à Poznań, le siège du premier évêché sur le sol polonais ; avec les plus hautes autorités de la République, l’épiscopat et le clergé de l’Église catholique et les autres communautés chrétienne ; avec des représentants de nombreux pays amis d’Europe et du monde pour inaugurer la célébration de ce vénérable jubilé. Je remercie cordialement tous nos distingués invités et leur souhaite la bienvenue.

Ceci est un grand moment de célébration de « l’esprit polonais », qui est la source de notre fierté et de notre joie. Elle se poursuivra dans les prochains mois et se répandra dans tout le pays. Elle aboutira à la première visite en Pologne de François et aux Journées Mondiales de la Jeunesse. Je suis convaincu que grâce aux vastes efforts déployés par les organisateurs, grâce à un engagement actif des milliers de bénévoles, ce sera l’occasion d’une expérience spirituelle inégalée.

Commençant ces célébrations jubilaires, nous tournons nos esprits vers la célébration précédente, celle du millénaire du baptême de la Pologne en 1966. Ce fut une expérience extraordinaire pour tout notre peuple et un événement unique en son genre en Europe centrale et orientale.

Nous, le peuple polonais, avons lutté pendant 27 ans, d’abord sous un régime imposé par les forces d’occupation allemandes, puis par les communistes après la guerre. Le premier et le second ont travaillé de la même façon à affaiblir et à briser le lien entre notre nation et l’Église. Ils comprenaient que de cette façon, ils ébranleraient les fondements mêmes de notre communauté, qu’une nation privée de son ancrage spirituel serait facilement remodelée en masses asservies. À cette fin, les nazis ont mis en œuvre une terreur sanglante. Les communistes au pouvoir après la guerre ont cherché à ce que le peuple polonais se détourne du christianisme. Ils ont promu une idéologie athée, ont persécuté les prêtres et les fidèles. Ils sont même allés aussi loin que d’emprisonner le Primat de Pologne. Et en ces jours, le cardinal Stefan Wyszynski eut l’inspiration de protéger l’identité polonaise et chrétienne de la nation contre l’endoctrinement et la répression en organisant une grande retraite nationale. Elle fut inaugurée en 1956 à Jasna Góra par le Serment de la nation polonaise, en référence directe aux serments faits par le roi Jean II Casimir à Lvov 300 ans plus tôt. Puis il y eut une neuvaine de neuf ans pour préparer le peuple polonais aux célébrations du millénaire.

Il y a cinquante ans, en avril 1966, commençaient les célébrations du millénaire du baptême de la Pologne. Le 3 mai, sur la prairie du sanctuaire de Jasna Góra, 250.000 fidèles participaient à la commémoration. Les célébrations durèrent une année entière, réunissant un nombre incalculable de Polonais. En outre, le jubilé fut célébré par les plus de 50.000 Polonais expatriés à Londres et à Chicago, Rome et Paris, même dans des régions aussi éloignées que l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

On peut affirmer avec certitude que, grâce à l’initiative du Primat du Millénaire, l’ensemble de la nation polonaise a renforcé ses liens avec son héritage chrétien. Cela est arrivé en dépit des obstacles organisés par le régime communiste qui, par exemple, avait « arrêté » une copie de l’icône de Notre-Dame de Jasna Góra, provoquant les fidèles pour qu’ils entrent en conflit avec la police, tentant de bloquer l’accès aux célébrations du millénaire et de perturber leur cours, et organisant enfin des célébrations rivales du 1er millénaire de l’Etat, obligeant les personnels des usines et des institutions à y participer.

Les célébrations du millénaire de 1966 et le rôle particulier joué par le Primat du Millénaire, le cardinal Stefan Wyszynski, ont révélé l’importance éternelle du baptême de Mieszko Ier et le puissance unificatrice du christianisme pour notre peuple. La nation a rejeté le faux slogan : « La République populaire de Pologne est le couronnement du millénaire de notre Etat ». Et le peuple polonais ne fut pas trompé non plus par l’initiative de propagande de construire un millier d’écoles pour commémorer notre millénaire, en dépit du fait que cela produisit des résultats valables et bons pour le développement de l’éducation et l’amélioration des conditions d’enseignement. Les Polonais optèrent pour la fidélité à l’Eglise, l’amour authentique de leur patrie et l’espoir de retrouver la liberté. L’autorité des évêques et des prêtres fut renforcée. L’œuvre de toute la vie du Primat Wyszynski a ouvert la voie au pontificat du Saint-Père Jean-Paul II et à la révolution pacifique de « Solidarité ».

Mesdames, Messieurs,

Le Millénaire nous a donné le sens de la souveraineté dans sa dimension la plus fondamentale : en tant que peuple libre et citoyens libres. Les nombreuses initiatives prises par les communautés paroissiales pour la défense de leurs prêtres et leurs églises pendant toute la durée de la République populaire de Pologne, l’engagement total des fidèles qui poursuivirent la construction illégale de nouvelles églises au mépris des autorités, les efforts spontanés pour s’organiser et la participation en masse aux célébrations de 1956 et 1966, tout cela a prouvé qu’il y a un énorme pouvoir de libération dans notre peuple, un pouvoir dont les origines se trouvent dans notre commune identité nationale et chrétienne. Le pouvoir qui s’est manifesté à plusieurs reprises dans notre histoire dans les derniers siècles, qui nous a aidés à supporter les expériences les plus difficiles : la perte des libertés civiles et d’un Etat indépendant, les tentatives de dénationaliser et déchristianiser notre peuple. Le pouvoir qui nous a portés, dans la confrontation avec nos ennemis, les puissances de démembrement, les forces d’occupation, et nous a conduits à gagner et prendre le dessus, comme une nation encore plus forte et plus unie.

Nous avons toujours été et nous serons toujours fiers de cet esprit national invincible. Nous pouvons et nous voulons tirer parti de ce grand trésor qui est le nôtre. C’est aussi pour nous une leçon pour l’avenir : que nous, le peuple polonais, pouvons accomplir de grandes choses, capitales, si seulement nous travaillons ensemble en conformité avec les valeurs qui nous unissent. Les valeurs qui ont leur source dans le lien indissoluble entre l’esprit polonais et ses racines chrétiennes.

Il y a mille cinquante ans, la Pologne a rejoint la communauté chrétienne de cette époque. Elle l’a fait de son propre gré. Consciente des avantages que cet acte apporterait, y compris les avantages politiques. Grâce à la décision visionnaire de Mieszko, la christianisation a apporté un puissant stimulant au développement de la Pologne. L’Etat a gagné une base plus solide sur laquelle bâtir sa sécurité et sa souveraineté. Au fil du temps, il est devenu de plus en plus moderne, régi de façon plus efficace, de façon plus intégrée en interne.

Les prédicateurs de la Bonne Nouvelle ont ouvert devant le peuple polonais un énorme trésor de richesses spirituelles, en promouvant la vision chrétienne de l’homme dans notre culture. Depuis la fin du Xe siècle, le Décalogue et l’Évangile sont devenus de plus en plus profondément enracinés dans des millions de cœurs sur les rives de la Warta et de la Vistule, de l’Oder et du Boug, du Niémen et du Dniepr. Ils ont fourni une motivation pour construire un monde meilleur, plus humain. Voilà pourquoi rejoindre le domaine de la civilisation chrétienne, dans son rite latin, représentait une véritable avancée pour nous.

Les trois piliers de cette civilisation sont également devenus les piliers de l’identité et de la culture polonaises.

Le premier des trois piliers fut et reste la philosophie grecque, ou l’amour de la sagesse. Et c’est la primauté de la vérité objective. Des instruments précis pour examiner et analyser la réalité. Un fondement immuable pour le développement de toutes les sciences jusqu’à ce jour.

Le deuxième pilier fut et reste la pensée juridique romaine et le concept de gouvernement. L’idée de la primauté du droit. L’idée d’une république, à savoir un Etat qui est un bien commun des citoyens qui le régissent. C’est également l’esprit civique, une éthique de privilèges liés à des responsabilités. Ce sont des principes qui ont fait leurs preuves au cours des siècles, des principes qui fournissent des bases également pour le droit civil, pénal, procédural et national moderne.

Le troisième pilier fut et reste le noyau de la pensée chrétienne : l’Ancien et le Nouveau Testament, le Décalogue et l’Evangile. Cette vision nouvelle, révolutionnaire, de l’humanité comme une famille, une communauté de frères et sœurs égaux devant le Père et sa Loi morale. C’est aussi un appel à la paix, à la repentance pour tout le mal fait et au pardon pour tout acte répréhensible dont on a souffert. L’impératif de donner la priorité à la personne humaine sur les objets, sur les avantages bassement matériels et le désir de possession. La protection des plus faibles, un appel à la solidarité pour aider les nécessiteux, et le magnifique principe de subsidiarité. C’est la reconnaissance de la dignité des femmes et la contribution qu’elles apportent à la vie des sociétés dans divers domaines. L’idée du gouvernement et de la supériorité comme service, et la croyance que les dirigeants, eux aussi, sont soumis à un jugement moral. Le christianisme est aussi un concept unique de séparation entre le sacré et le profane, ce qui est divin et ce qui appartient à César. L’idée d’autonomie, mais en même temps, de coopération entre les autorités laïques et spirituelles. Ce sont aussi des institutions telles que l’université et l’école locale, l’hôpital et l’orphelinat. C’est une nouvelle vision de l’éthique militaire, médicale et économique. Enfin, dernier point qui n’est pas le moindre, ce sont les hauteurs de l’art et du génie auxquels sont parvenus des artistes inspirés par le christianisme : peintres, architectes, musiciens et poètes.

Par conséquent, cela ne devrait être une surprise pour personne que c’est seulement dans le cercle de cette civilisation particulière que sont apparus des idées et des phénomènes tels que le concept des droits humains inaliénables comme droits imprescriptibles de toute personne humaine, le constitutionnalisme, l’Etat de droit démocratique, le droit international, les mouvements d’émancipation des travailleurs, et l’esprit du débat public moderne. Tous sont profondément enracinés dans l’héritage chrétien.

Aujourd’hui, ce n’est plus seulement Athènes, Rome et Jérusalem qui définissent le champ de cette civilisation. Grâce aux efforts déployés par 30 générations de Polonais, de nouveaux centres importants ont été ajoutés à la carte de la Christianitas.

Par exemple Gniezno, où reposent les reliques de saint Adalbert, qui répandit la foi par sa parole et non par l’épée.

Toruń et Frombork, les villes liées à Nicolas Copernic, le chancelier du chapitre de Warmie, auteur de l’une des plus grandes avancées dans l’histoire de la pensée humaine.

Cracovie, la ville du saint évêque Stanislas de Szczepanow, un promoteur courageux de l’idée des devoirs moraux des pouvoirs publics, la ville de l’Université de Cracovie et du révérend Paweł Włodkowic (Paulus Vladimiri), l’un des théoriciens les plus remarquables de la tolérance religieuse. C’est la Cracovie de Karol Wojtyła, le saint Pape Jean-Paul II, qui a marqué l’entrée de l’Église dans le troisième millénaire dans le plein sens du terme.

Poznań, la capitale épiscopale de Mgr Wawrzyniec Goślicki, auteur au XVIe siècle d’une conception originale de gouvernement, devenue une source d’inspiration pour les auteurs de la Constitution américaine et de nombreux autres opposants au non-droit monarchique.

Brześć Litewski (Brest-Litovsk), le lieu où fut conclu une union ecclésiastique, l’un des efforts les plus importants pour réconcilier l’Occident chrétien et l’Orient chrétien.

Częstochowa, la ville qu’il faut visiter pour apprécier le statut spécial et le respect dont les femmes jouissent en Pologne. La ville où Bogurodzica, La Mère de Dieu, un hymne considéré comme le premier hymne national de la Pologne, continue d’être chanté devant l’icône de Notre Dame de Jasna Góra, objet de culte le plus vénéré de la Pologne.

Varsovie, la capitale d’un Etat sans bûchers ni guerres de religion. La ville où la Diète de la Couronne polonaise a adopté la Confédération de Varsovie, le premier acte législatif au monde qui garantisse une tolérance religieuse universelle. C’est Varsovie, le siège du roi Jean III Sobieski, le vainqueur de la bataille de Vienne, et la ville à la périphérie de laquelle une invasion de la barbarie communiste contre l’Europe a été arrêtée en 1920. Il y a des centaines de localités, en particulier dans la vieille région de la frontière orientale de la Pologne, où les minorités ethniques et religieuses vivaient en paix côte à côte.

Enfin, dernier point qui n’est pas le moindre, ce sont des localités liées à la vie et aux réalisations de nos nombreux compatriotes, artistes mondialement connus, hommes et femmes de lettres, savants et inventeurs, ces personnes qui ont remarquablement payé leur dette de gratitude à la culture qui les a façonnées.

La civilisation chrétienne, co-créée et défendue au cours des 1050 dernières années avec beaucoup de dévouement par le peuple polonais, est le résultat d’un travail titanesque et de la lutte de millions de personnes, l’effet de nombreuses recherches et d’expériences, d’essais historiques et d’erreurs. C’est une création mature, universelle, qui a un impact puissant sur l’humanité dans son ensemble. Ce n’est pas un fossile. Elle continue d’évoluer de façon organique. Elle a besoin de ses jeunes feuilles et pousses tout autant qu’elle a besoin de ses racines enfouies. Elle a également besoin d’un tronc médiateur, qui est une synthèse naturelle de l’ancien et du nouveau.

Un arbre peut être abattu. On peut empoisonner ses racines et le voir dépérir. Cela ne demande pas beaucoup d’efforts ni trop de temps. Mais planter un nouvel arbre et attendre qu’il se développe et porte des fruits est un long processus. Voilà pourquoi le prix, pour détruire les fondements de notre civilisation et tenter de les remplacer par d’autres concepts, incohérents et vaguement esquissés, a toujours été et sera toujours d’énormes souffrances et dévastations. Cela a été très clairement démontré par le XXe siècle et ses deux projets idéologiques: le communisme et le nazisme, avec leurs conséquences horribles.

Le XXIe siècle nous a mis rapidement face à de nouveaux défis, difficiles. Dans le village planétaire, la rivalité naturelle entre les modèles de civilisations différentes a atteint une intensité sans précédent. En Pologne et en Europe, les débats sont en cours sur la façon de relever ces nouveaux défis. Je crois personnellement que ce qu’il faut faire dans cette situation est faire confiance à la force de notre identité, tirer du riche trésor des idées, des expériences et des solutions développées dans le courant combiné des deux grandes traditions : la gréco-romaine et la judéo-chrétienne.

Elles sont ce sur quoi nous devons fonder nos actions.

En effet, la responsabilité première du président, du Sénat, de la Diète et du gouvernement de la République de Pologne est de se préoccuper du présent. Le souci de garantir une Pologne et une Europe où la dignité, les droits et les aspirations de tous les citoyens soient respectés et protégés. Le souci de garantir une Pologne et une Europe où la solidarité et un sens de la communauté devraient avoir préséance sur la rivalité et les jeux d’intérêts. Cependant, la préoccupation de garantir un bon avenir est une tâche tout aussi importante pour nous. Le souci de veiller à ce que notre patrimoine de tolérance et d’ouverture, notre liberté et notre force matérielle ainsi que spirituelle soient préservés et puissent se développer davantage.

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui ici. Dans la Poznań de la dynastie Piast, le berceau de notre Etat et de notre nation, le berceau de notre peuple, pour le 1050e anniversaire du baptême de Mieszko. Nous sommes ici parce que nous comprenons la responsabilité que nous endossons. Notre responsabilité à la fois envers l’histoire et envers les futures générations de Polonais.

A la veille de l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne, le Pape Jean-Paul II a souligné que c’était une excellente occasion pour notre nation d’enrichir spirituellement l’Occident, le même Occident qui jadis nous avait apporté la foi chrétienne. L’Europe a besoin la Pologne, et la Pologne a besoin de l’Europe, a déclaré le Saint-Père. Voilà pourquoi, pour rendre hommage à nos prédécesseurs prévoyants d’il y a 1050 ans, je voudrais dire catégoriquement aujourd’hui que, conformément aux instructions de notre grand compatriote, la Pologne est et restera fidèle à son héritage chrétien. Car c’est dans cet héritage que nous avons une base solide et éprouvée pour l’avenir.

Le temps et l’espace

J’ai été trop elliptique l’autre jour sur le temps et l’espace. Je vais essayer d’expliquer ou plutôt de suggérer, avec les mots infirmes du langage rationnel, ce que je comprends dans la phrase de Gurnemanz à Parsifal : « Ici le temps devient espace. »

Il me semble que c’est une expérience mystique banale, qui correspond aussi à une expérience simplement esthétique, et aussi aux expériences dites de mort imminente.

Dans une extase, ou devant une œuvre d’art particulièrement prenante, le temps paraît s’arrêter, alors que s’ouvre un espace nouveau, vaste, lumineux, heureux. Le temps compté et mesquin du quotidien est comme aboli au profit d’un espace illimité de pleine liberté. Un espace « intérieur », certes, comme on peut l’expérimenter dans la prière, dans la liturgie, mais qui peut se révéler comme un espace très réel quoique non soumis aux lois de ce monde (le « troisième ciel », par exemple).

Les compositeurs ont su faire entendre cela à plusieurs reprises. Le premier à l’avoir fait de façon impressionnante est Schütz, dans son motet de Pâques sur Marie Madeleine rencontrant le Christ ressuscité. Ce Dialogo per la Pascua commence comme un madrigal italien, puis tout à coup le temps s’arrête quand Jésus dit : Maria. Par un jeu d’accords littéralement inouïs, Schütz ouvre un espace infini. Plus près de nous, Messiaen l’a fait plusieurs fois, notamment dans les Trois Petites Liturgies de la Présence divine, et dans Saint François d’Assise (en ajoutant au jeu des accords le son « spatial » de l’onde Martenot). Et bien sûr il y a Parsifal, où Wagner l’annonce explicitement, et le montre par la mise en scène : les personnages qui cheminaient dans la sombre forêt passent par une porte dans la pierre et débouchent dans le vaste et lumineux espace du château du Graal, tandis que retentit le fameux leitmotive du Graal, exemple type du thème d’accords faisant passer du temps sombre à un espace de lumière.

Le Graal est figure de l’eucharistie. Or précisément l’eucharistie fait passer du temps (quotidien) à l’espace (spirituel) : la liturgie eucharistique abolit le temps pour nous mettre en présence réelle de la Cène, de la Croix, de la Résurrection, pour nous donner le Corps et le Sang du Christ mort et ressuscité, dans l’Unique Sacrifice auquel nous assistons.

D’une certaine façon, la résurrection fait passer du temps à l’espace. De la prison du temps à la liberté de l’espace. Et le monde de la régénération (celui des corps glorieux, où l’on ne marie pas et où on est comme des anges dans le ciel) est mystérieusement un monde d’une certaine façon spatial mais dépourvu du temps au sens où nous le connaissons, le temps inexorable du monde du péché originel, du monde déchu enfoncé et enchaîné dans les coordonnées de que nous appelons l’espace-temps.

Il est frappant de constater qu’après sa résurrection – pourtant dans notre monde – on ne voit pas Jésus venir et partir, mais apparaître et disparaître. Il est là, ou il n’est pas là. Le temps et le mouvement c’est tout un, or il n’y a aucun mouvement. Sauf dans saint Luc, avec les pèlerins d’Emmaüs. Mais il s’agit d’un épisode et d’un enseignement particuliers. Ensuite, saint Luc dit bien : « Il les conduisit dehors jusqu’à Béthanie », mais c’est seulement pour lier dans une seule phrase l’apparition du soir de Pâques à l’Ascension. Or, dans les Actes des apôtres, où saint Luc raconte la scène de l’Ascension, en spécifiant que c’est 40 jours après Pâques et non le soir même, il ne met aucun verbe de mouvement entre le dernier repas (à Jérusalem) et l’Ascension (en dehors de Jérusalem). Le seul mouvement de Jésus est vertical. Il n’y a pas d’autre mouvement horizontal – sur l’abscisse du temps – que celui des apôtres qui retournent à Jérusalem.

Ainsi Jésus ressuscité est dans l’espace, mais pas dans le temps. Ou du moins se fait-il voir dans notre espace, qui n’est plus le sien : « Quand j’étais encore avec vous », leur dit-il, alors qu’il est apparemment et visiblement avec eux. Il n’est plus dans l’espace des coordonnées du monde du péché originel, il est dans l’espace du monde nouveau.

Ce monde nouveau, c’est la Jérusalem d’en-haut de l’Apocalypse. Elle apparaît après la fin du temps. Dès mon adolescence j’avais été frappé par le titre de l’œuvre de Messiaen inspirée par l’Apocalypse : Quatuor pour la fin du temps. Je sus ensuite que c’était un grand thème de réflexion de Messiaen. Et en effet voici ce que dit l’Apocalypse :

Et l’ange, que je voyais debout sur la mer et sur la terre, leva sa main droite vers le ciel, et jura par celui qui vit aux siècles des siècles, qui a créé le ciel et ce qui s’y trouve, la terre et ce qui s’y trouve, et la mer et ce qui s’y trouve, qu’il n’y aura plus de temps, mais qu’aux jours de la voix du septième ange, quand il sonnera de la trompette, le mystère de Dieu s’accomplira, comme il l’a annoncé à ses serviteurs, les prophètes.

Et quand il n’y a plus de temps descend la Jérusalem céleste. Un monde – un « espace » – un gigantesque cube – où il n’y a pas de succession de jours et de nuits, et où il n’y a pas de soleil : il n’y a pas de temps, seulement la lumière du Verbe.

Le rayon de la miséricorde

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Le Père Dwight Longenecker, bien connu de la toile catholique anglophone (un site et deux blogs), a d’abord publié sur l’un de ses blogs des photos (c’est lui sur la troisième) de ce qui s’est passé lors d’un pèlerinage de la Divine Miséricorde qu’il organisait, le dimanche du même nom, à Greenville, en Caroline du Sud.

Or plusieurs photos montrent un rayon de lumière qui vient du ciel frapper la représentation du Christ de la Divine miséricorde, et même, dans l’une d’elles, son cœur.

Le ciel, dit le P. Longenecker, était parfaitement bleu. Il n’y avait aucun nuage qui pût expliquer le phénomène. Un photographe a expliqué que c’était un phénomène de réfraction dû à la lentille de l’appareil, mais un autre photographe lui a certifié que c’était impossible.

Après avoir évoqué le phénomène sur son blog Patheos, le P. Longenecker a écrit, sur le même sujet, un bien joli billet dans Aleteia, auquel je renvoie ceux qui lisent l’anglais (courant).

En Norvège

Le synode de l’« Eglise de Norvège » (qui n’est plus Eglise d’Etat depuis 2012) a décidé par 88 voix sur 115 de permettre le « mariage religieux » des homosexuels et de créer une liturgie ad hoc.

La Norvège rejoint ainsi le Danemark et la Suède (où « l’évêque » de Stockholm est une femme « mariée » à une femme « prêtre »…).

Ces « Eglises » sont devenues des coquilles vides, dont les rites n’ont qu’une signification sociale. On y croit ce qu’on veut, et le plus souvent on n’y croit plus en rien d’autre qu’au politiquement correct.

Ben non

« La pédophilie est-elle un péché ? »

Grosse polémique après les propos d’un évêque.

Ben non, si l’on en reste à cette question ainsi formulée, la pédophilie n’est pas un péché.

Les mots ont un sens.

Ce qu’on appelle aujourd’hui « pédophilie » est l’attirance sexuelle d’un adulte pour les enfants.

Ce qu’on appelle la « pédophilie » n’est pas davantage un péché que ne l’est, par exemple, l’homosexualité.

La tendance homosexuelle n’est pas un péché. Ce peut être une grande souffrance, qui peut être rédemptrice.

Ce qui est un péché, c’est l’acte homosexuel.

La tendance « pédophile » n’est pas un péché. Ce peut être une grande souffrance, qui peut être rédemptrice.

Ce qui est un péché, ce sont les actes dits « pédophiles » : les abus sexuels sur mineurs.

Tout le reste est bavardage médiatique. Particulièrement mal venu de la part de ceux qui ne savent pas ce qu’est un péché et s’en fichent totalement…

Ah oui, en effet

On parle de redonner un évêque catholique à la ville de Genève, qui n’en a plus depuis la dictature calviniste du XVIe siècle.

Réaction du pasteur Fuchs, président du calvinisme genevois d’aujourd’hui :

« Il faudra que nous discutions de l’impact que cela pourra avoir. Tout dépend si le nouvel évêque est une personne du cru, qui connaît l’histoire religieuse de Genève et saura s’inscrire dans sa longue tradition œcuménique. »

Sans blague. Genève est la seule métropole du monde (hors Arabie saoudite) à ne pas avoir d’évêque catholique, en raison de l’opposition calviniste, depuis près de 500 ans. Ça, pour une longue tradition œcuménique, c’est une longue tradition œcuménique…

A propos de l’interview de Benoît XVI

On parle beaucoup d’une « interview de Benoît XVI dans l’Avvenire », dans laquelle le pape émérite « soutient François » et se déclare « entièrement d’accord avec lui ».

Cette façon de présenter les choses est un bel exemple de fabrication médiatique. Que les franciscolâtres répètent cela en boucle n’en fait pas une vérité.

D’abord il ne s’agit pas d’une interview au sens où on l’entend habituellement, mais d’un entretien, non pas avec un journaliste mais avec un théologien, non pas pour un journal mais pour un colloque théologique qui a eu lieu en octobre 2015. Un entretien écrit, qui paraît aujourd’hui dans les actes du colloque, publiés en Italie. Enfin l’auteur est très clairement le théologien Joseph Ratzinger, et non le pape Benoît XVI – qui ne s’exprimerait assurément pas ainsi s’il s’adressait à des fidèles.

Le texte (traduction intégrale chez Benoît et moi, évidemment) est d’abord une nouvelle réflexion sur la foi, le baptême et l’Eglise, un thème que n’a cessé de méditer le théologien Ratzinger. Cela se poursuit par une réflexion sur la possibilité de la foi dans un monde qui a perdu le sens de la justification (c’est le cœur du thème du colloque). Sur ce sujet, Ratzinger constate que l’idée de la miséricorde de Dieu peut être d’un grand secours. L’insistance sur la miséricorde est un signe des temps, dit-il, depuis sainte Faustine, « dont les visions, à bien des égards, reflètent profondément l’image de Dieu propre à l’homme d’aujourd’hui et son désir de la bonté divine » – sainte Faustine qui eut une grande influence sur Jean-Paul II.

Vient alors la phrase partout répétée comme si elle était l’essentiel alors qu’elle n’est qu’une incidente (même l’Osservatore romano le fait remarquer) :

Seulement là où est la miséricorde finit la cruauté, finissent le mal et la violence. Le Pape François est totalement en accord avec cette ligne. Sa pratique pastorale s’exprime justement dans le fait qu’il nous parle continuellement de la miséricorde de Dieu.

Ce que l’on voit, c’est que Joseph Ratzinger a d’abord défini le sens de la miséricorde pour l’évangélisation aujourd’hui, et qu’il continue ensuite sa réflexion sur ce thème, une réflexion tout entière orientée sur la nécessité de l’évangélisation et de la foi qu’il faut faire naître – à chacun de voir si cela correspond vraiment toujours à ce que dit François… Il me semble qu’il s’agit plutôt d’un recadrage.

Il est difficile de résumer ensuite ce que dit Joseph Ratzinger. Au-delà de sa réfutation des théologies hétérodoxes de notre époque sur la question du salut, je retiens son recours au thème iconographique, que je ne connaissais pas, de ce qu’on appelle en allemand « die Not Gottes », littéralement « la détresse de Dieu » – en fait sa com-Passion, parfois appelé en français « la Pitié de Notre Seigneur » ou « le Trône de grâce ». Mais la Pitié de Notre Seigneur montre aussi la Sainte Vierge, et le Trône de grâce est une Pietà où la Sainte Vierge est remplacée par Dieu le Père, tandis que dans « die Not Gottes » Dieu le Père est debout et affecté d’une très visible compassion.

Enfin, la dernière phrase, sur le sacrement de pénitence, est vraiment très belle : « Il signifie que nous nous laissons toujours façonner et transformer par le Christ et que nous passons constamment du côté de ceux qui détruisent à celui qui sauve. »

Dans tout cet entretien on sent la présence de saint Bonaventure, bien qu’il ne soit pas cité. Ce qui en ressort aussi est que le pape émérite n’a rien perdu de sa carrure intellectuelle… qui manque cruellement à la tête de l’Eglise.

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Fresque de l’église paroissiale de Tainach (en slovène Tinje), en Carinthie, montrant côte à côte la Nativité et « die Not Gottes » (et un saint évêque).