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De fil en aiguille

L’acharnement de la clique bergoglienne à valoriser les « unions de fait » quelles qu’elles soient, homosexuelles ou adultères, et à commencer l’opération de démolition par l’autorisation de la communion aux divorcés civilement remariés, va montrer à quel point l’enseignement de saint Jean-Paul II était important et crucial pour notre temps. L’épiscopat polonais, en pointe dans la résistance, ne s’y est pas trompé. Il est regrettable que de nombreux autres évêques, même de bonne volonté et de bonne doctrine, ne connaissent pas cet enseignement. Non seulement celui des encycliques sur la vie, mais aussi sur la « théologie du corps », où Jean-Paul II évoque le sacrement de mariage, non pas selon la théologie thomisto-tridentine aggravée par le jansénisme comme le dernier sacrement, celui qui n’existe en quelque sorte que pour légaliser les ébats conjugaux nécessaires à la procréation de nouveaux membres de l’Eglise, mais comme le « sacrement primordial ». Primordial parce que institué par Dieu au paradis de l’origine. Le sacrement de la communion entre deux personnes créées à l’image de Dieu et en communion avec l’union des Trois Personnes. Le « prototype » des sacrements de la Nouvelle Alliance, dit aussi Jean-Paul II.

C’est pourquoi toucher au sacrement de mariage fait écrouler tout l’édifice, et c’est pourquoi les ennemis de la foi ont choisi de s’attaquer au mariage, avec un incroyable luxe de moyens : deux synodes et une « année de la miséricorde ».

Une fois que l’on aura porté atteinte au sacrement de mariage, le reste suivra. Car si l’on pense que les adultères (puis les paires homosexuelles) peuvent communier, c’est qu’on ne croit plus en l’eucharistie, en la réalité de l’eucharistie, la présence concrète de Jésus-Christ Fils de Dieu, mais en une communion qui est la célébration du vivre ensemble, d’où personne ne peut être exclu. Si l’on ne croit plus en l’eucharistie on ne croit plus au sacerdoce : le prêtre est un animateur de l’assemblée. Si on ne croit plus à cela, on ne croit plus au baptême, qui devient simplement un rite d’admission dans la communauté.

Mais ce qui est le plus terrifiant dans ce constat, c’est que nous en sommes déjà là, et depuis longtemps. Et c’est parce que les ennemis de la foi ont réussi à détruire ainsi les sacrements, dans les faits, qu’on peut maintenant passer à l’étape suivante : les détruire en droit, par l’autorité de l’Eglise. En commençant par ce que l’on présentera comme une simple mesure de compassion, de miséricorde, d’humanité : permettre aux divorcés de communier.

Or c’est urgent, parce que Jean-Paul II puis Benoît XVI avaient commencé, peu à peu, tant bien que mal ou tant mal que bien, à modifier la donne et à rétablir la doctrine de la foi. C’est cette urgence qui unissait la mafia de Saint-Gall, c’est cette urgence qui montre de vieux cardinaux comme Danneels et Kasper déployer une énergie colossale pour arriver à leurs fins alors qu’ils devraient couler une paisible et pieuse retraite.

(Cette réflexion m’est venue en lisant ce texte du P. Ray Blake traduit par Benoît et moi. Sur la « théologie du corps », voir ma conférence sur Jean-Paul II et l’idéologie du genre.)

Apostasie tranquille

La cour administrative d’appel de Nantes a rendu son arrêt hier dans l’affaire de la crèche de Noël du conseil départemental de la Vendée.

Elle annule le jugement du tribunal administratif de Nantes, qui avait condamné cette crèche conformément à la loi.

La cour d’appel considère que la crèche s’inscrit « dans le cadre d’une tradition relative à la préparation de la fête familiale de Noël et ne revêt pas la nature d’un « signe ou emblème religieux » » et qu’elle n’est donc pas contraire à la loi de 1905.

Bref, la crèche est permise parce que ce n’est que du folklore populaire et « familial ». Ce Jésus n’est pas le Fils de Dieu, cette Marie n’est pas la Mère de Dieu, ce Joseph n’est pas saint Joseph.

Le président du conseil départemental enfonce le clou en soulignant le « message universel » de la crèche, et Me Alexandre Varaut, qui n’a pourtant plus besoin de faire l’âne agnostique puisqu’il a gagné, en remet une couche en affirmant que « la signification collective de la crèche ne s’arrête pas aux catholiques » et que la crèche dans le hall « n’est pas un endroit de culte, ce n’est pas un petit bout d’église », puisqu’il n’y a « pas de bougies, pas de crucifix »…

A l’Angélus…

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A midi, alors que j’étais sur le site New Liturgical Movement, au moment même où je cliquais sur cette image sonnait le premier coup de l’Angélus…

C’est le signe, au moins, que je devais vous faire partager cette découverte d’un peintre coréen, Woonbo Kim Ki Chang (1914-2001) qui en 1952, en pleine guerre de Corée, peignit une série de 30 peintures sur la vie du Christ, qui sont aujourd’hui au Musée de Séoul. New Liturgical Movement en montre 8. Ce site coréen en montre 20. C’est vraiment la grande tradition picturale coréenne au service de la foi.

Pour une statue géante de sainte Anne

Les Gedourion annoncent le projet d’une statue monumentale en granit de sainte Anne, qui devrait être la plus haute statue bretonne, installée à un endroit où elle sera bien visible.« La statue se doit d’être un phare spirituel qui, de la proue de l’Occident qu’est la Bretagne, vient éclairer notre Bretagne et notre continent. »

Il s’agit d’une statue à deux faces, l’une tournée vers l’océan (Armor), l’autre vers la campagne (Argoat). La première représente la « trinité mariale » (sainte Anne, la Sainte Vierge, l’enfant Jésus), l’autre montre sainte Anne étendant son manteau sur ses Bretons.

Les Gedourion comptent lancer une campagne de financement, via un site dédié, à la fin de l’année. Mais ils cherchent déjà 4.500 à 5.000 euros pour réaliser aussi vite que possible une modélisation 3D de la statue, « ce qui permettra non seulement de réaliser un clip de présentation original pour lever les fonds, mais aussi de proposer à chaque donateur une réplique miniature de la statue via une impression 3D ».

J’avoue que les dessins (surtout celui de la face Argoat) ne me convainquent pas complètement. Mais l’initiative mérite d’être soutenue.

En Chine

La campagne de destruction des croix sur les églises dans la province du Zhejiang se poursuit, mais la résistance s’organise. Dernier exemple connu, à Lingnei, le 30 juillet. La croix de l’église a été enlevée. Les chrétiens ont fait appel à un juriste de Pékin. Celui-ci a constaté qu’aucun organisme officiel n’avait pris la responsabilité de la destruction, et que sans justification légale l’enlèvement de la croix était un vol, et que par conséquent remettre une croix ne pouvait violer aucune loi.

Ni une ni deux, les chrétiens ont remplacé la croix le soir même.

Eglises d’Asie fait un point complet sur ces destructions et la résistance, qui s’étend même à l’Eglise officielle. Selon Bob Fu, président de China Aid, « c’est la première fois dans l’histoire contemporaine de l’Eglise en Chine que l’on voit une coalition de catholiques et de protestants, issus des Eglises officiellement enregistrées et des Eglises “domestiques” ou “clandestines”, être ainsi unis pour dénoncer des atteintes aux droits de l’homme et à la liberté religieuse. »

 

Addendum

Le juriste de Pékin, Zhang Kai, et son assistant Liu Peng ont été arrêtés le 25 août.

“Le symbolisme masculin-féminin dans les rôles liturgiques : ce n’est pas bizarre, c’est seulement catholique”

Sous ce titre, Benedict Constable, sur le site 1P5, répond aux objections qui ont été faites à propos d’un article précédent, intitulé Les femmes peuvent-elles être lecteurs à la messe ? Dans cet article, l’auteur expliquait que les femmes ne doivent pas occuper une fonction de lecteur, et il le faisait à la façon de saint Thomas d’Aquin, par l’examen de 5 objections à cette affirmation, suivi de la réponse générale et de la réponse précise à chaque objection.

Plus intéressant, pour quiconque pense déjà qu’une femme n’a pas sa place dans le chœur (comme l’a montré la tradition unanime d’Orient et d’Occident), est la réponse à une nouvelle objection, sur l’argument fondamental de l’auteur. Car il s’agit de la symbolique religieuse, surnaturelle, des sexes. Le lecteur représente le Christ semeur qui sème sa semence sur l’assemblée des fidèles qui est la femme recevant la semence. Nier cette symbolique c’est nier les différences sexuelles et donc sombrer dans l’idéologie du genre.

Ce thème est proche de celui qu’abordait Peter Kwaniewski dans un excellent article du New Liturgical Movement, où il critiquait les nouvelles oraisons parlant des fils et des filles de Dieu pour respecter l’égalité de genre, alors que nous sommes tous, hommes et femmes, fils de Dieu dans le Fils, et épouses du Fils dans l’Eglise.

Voici une traduction du texte de Benedict Constable.

Dans l’article publié hier (Les femmes peuvent-elles être des lecteurs à la messe ?) j’ai commencé ma réponse par cet argument :

On doit dire que dans la Sainte Ecriture la Parole de Dieu est toujours comparée à une semence, et le prédicateur à celui qui plante la semence dans le sol. Celui qui entend la Parole est la mère dont la foi reçoit la semence – le sein dans lequel la semence est implantée, commence à croître, et avec de la patience porte du fruit. Pour cette raison, l’assemblée des fidèles est l’image de la Vierge Marie, tandis que le lecteur est l’image de Dieu le Père, implantant dans leur cœur la semence de la Parole, Jésus-Christ, comme il l’a fait par l’intermédiaire de l’archange Gabriel lors de l’Annonciation. Ainsi, qu’une femme proclame la Parole est contradictoire en soi : cela fait de la femme qui reçoit la semence l’homme qui distribue la semence. Si l’on nie cette dissonance symbolique, il faut aller plus loin et soutenir qu’être homme ou femme est métaphysiquement accessoire et sans importance, et qu’il n’y a pas de symbolisme religieux dans le fait d’être homme ou femme.

Cet argument a attiré un certain nombre d’objections (et de ricanements), comme les deux suivants par Facebook :

Alors, selon sa logique, les hommes ne devraient pas recevoir la Parole. Nous ne sommes pas supposés avoir la semence implantée en nous !

Et

Alors quand moi, un homme, je suis dans l’assemblée et que j’écoute le lecteur, je suis comme la mère dans le sein de laquelle la semence est plantée. Il me semble que selon cette logique je ne devrais pas écouter.

Un autre lecteur, plus modéré et réfléchi, définit la difficulté de cette façon :

Benedict parle du symbolisme religieux d’être homme et femme. Femme = mère de l’Eglise qui reçoit en son sein la semence (la Parole de Dieu) du donneur (homme/Dieu) et la fait grandir et donner du fruit. C’est assez simple à comprendre et il n’y a pas débat là-dessus. Il dit ensuite que c’est une contradiction en soi que des femmes soient lecteurs : l’assemblée représente le Vierge Marie, l’Eglise est du genre féminin, nous devons recevoir la Parole. Mais qu’en est-il des hommes dans l’assemblée ? En suivant cette argumentation, est-ce que tous les hommes assis sur les bancs parmi les femmes ne sont pas eux aussi dans une contradiction ?

Ce sont là, ou ce peut être là, de bonnes questions à poser. Dans son merveilleux livre Jésus vivant en Marie, le Rédempteur dans le sein maternel, le P. John Saward consacre le sixième chapitre au thème : « Le Christ dans le sein du cœur ». Là il cite de nombreux Pères et mystiques de l’Eglise qui comparent la Parole de Dieu à une semence implantée dans le sein, d’abord de la Vierge Marie, puis de tout croyant chrétien qui imite sa foi, comme le disent ces lignes de saint Augustin :

Marie est donc bienheureuse parce qu’elle a entendu la Parole de Dieu et l’a gardée. Elle a gardé la vérité dans son esprit plus longtemps que la chair dans son sein. Christ-vérité, Christ-chair : le Christ-vérité dans l’esprit de Marie, le Christ-chair dans le sein de Marie… La Mère l’a porté dans son sein, portons-le dans notre cœur. La Vierge était enceinte par l’Incarnation ; que notre cœur soit enceint de la foi au Christ. La Vierge a donné naissance au Sauveur ; que nos âmes donnent naissance au salut, donnons naissance à la louange. Ne soyons pas stériles. Que nos âmes soient fécondes pour Dieu.(Sermo de Verbis Evang. Matt. 12; Sermo 180.)

Le P. Saward continue d’expliquer avec ces propres mots cet enseignement classique de la foi :

L’Eglise dans son ensemble et le chrétien individuel partagent la maternité divine de Marie, le fait qu’elle porte la Parole divine… Dans et par l’Eglise le croyant est une « mère » pour le Christ. L’individu chrétien est appelé à devenir ce qu’est l’Eglise en son ensemble, Epouse et Mère du Christ, une véritable « âme ecclésiastique »… Marie est le modèle de toute âme qui forme et donne naissance au Verbe éternel dans son cœur… La tradition selon laquelle on porte en soi mystiquement le Christ met en lumière le statut privilégié de la féminité comme une image de l’attitude propre de la créature envers Dieu. L’âme est toujours analogiquement féminine – nuptiale envers l’Epoux, maternelle envers l’Enfant. Pour citer de nouveau le Saint-Père [Jean-Paul II], « être l’épouse, donc l’élément “féminin”, devient le symbole de tout ce qui est humain. » La grossesse en particulier est dense de leçons spirituelles ; attendre un enfant est le modèle d’attendre le Christ, dans la foi, l’espérance, l’amour, dans le service humble et la plus profonde prière.

Pour répondre, maintenant, aux objections : comme de nombreux saints et théologiens l’ont souligné, tous les chrétiens sont, devant Dieu, symboliquement dans le rôle de l’épouse et de la mère. Les créatures sont fondamentalement réceptrices ; et l’Eglise est une épouse, dont nous sommes tous membres. Certes, on ne va pas écraser ce symbolisme sur le visage des hommes de telle façon qu’ils en soient mal à l’aise. En ce qui concerne les hommes, nous devons utiliser le langage du combat des soldats, des charpentiers et des gardes, etc. Toutefois, notre identité fondamentale en tant que chrétien, c’est de recevoir la grâce et de devenir fécond par elle. Voilà pourquoi la bienheureuse Vierge Marie n’est pas seulement un modèle pour les femmes, mais pour tous les chrétiens en tant que tels.

Dans la liturgie, il est clair que le sanctuaire et les ministres autour de l’autel représentent le Christ, tandis que la nef et les fidèles en prière représentent l’Eglise en laquelle il agit et qui, en écoutant dans la foi et en agissant par la Parole reçue, lui rend des fruits spirituels. Lorsque la Parole est proclamée par ceux qui représentent le Christ, les hommes assis dans l’assemblée ne sont pas moins récepteurs que les femmes. Ce rôle d’auditeur ne requiert pas que nous soyons des femmes, puisque tout être rationnel peut écouter et adhérer au Christ dans la foi et l’amour. Le ministère dans le sanctuaire, d’autre part, est spécifiquement lié au Christ le Grand Prêtre, qui, dans sa réalité ontologique comme Verbe incarné, est un homme et non une femme. (Ceci est évidemment congruent avec la question : pourquoi seuls les hommes peuvent être prêtres, alors qu’il n’y a aucune restriction en ce qui concerne ceux qui peuvent recevoir les autres sacrements.)

En bref, l’argumentation est fondée sur le fait de tenir que toutes les images ne sont pas interchangeables : certaines comparaisons ne fonctionnent pas exactement de la même façon dans les deux sens. Le Christ est un homme, un prêtre, un époux ; ce n’est pas une simple métaphore, mais un fait des ordres naturel et surnaturel. Le chrétien est comme une femme, une mère, une épouse ; c’est une métaphore d’une certaine identité et vocation spirituelle fondamentale. La liturgie doit prendre en compte à la fois les faits et les métaphores, dans une synthèse cohérente – et c’est précisément ce que les catholiques ont eu dans leur tradition théologique et liturgique jusqu’à la confusion des quelques dernières décennies.

*

(N.B. – Je me permets d’ajouter comme illustration liturgique l’antienne de communion de la messe des fêtes de la Sainte Vierge : « Beata viscera Mariæ Virginis, quæ portaverunt æterni Patris Filium. » Heureuses les entrailles de la Vierge Marie, qui ont porté le Fils du Père éternel. A quoi répond, dans le cœur de celui qui vient de communier, homme ou femme, ce que disait Jésus, peu avant, dans l’évangile : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent. » Autrement dit, le communiant chante ceci : Heureux mon cœur qui a reçu le Verbe, heureuses mes entrailles qui portent très réellement le Fils du Père éternel.)

Trop nuls…

Le synode de l’Eglise d’Angleterre a consacré ses travaux à la « justice environnementale en vue de la Cop21, la conférence des Nations Unies qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre ». Selon le primat de la Communion anglicane, il est temps d’agir et de toute urgence.

Le réchauffement global affecte principalement les plus pauvres : ce sont les plus vulnérables qui sont exposés aux tempêtes, aux inondations, à la sécheresse et à l’élévation du niveau de la mer. Ce qui est mauvais pour nos voisins, l’est aussi pour nous tous. Au cours des 150 dernières années, l’humanité a brulé des combustibles fossiles qui avaient mis un milliard d’années pour se former. La terre ne peut pas soutenir ce rythme. Il faut lire les signes des temps et agir pour le bien commun. Il faut protéger les plus pauvres contre l’impact du réchauffement global et étudier de nouvelles mesures pour sauvegarder la planète et assurer un développement durable. Tous sont concernés au niveau individuel, institutionnel, national et international, y compris les investisseurs.

C’est ce qui s’appelle avoir un métro de retard. Notre bon François a déjà tout dit sur le sujet, c’est lui qui est reconnu par tout le monde comme le chef de la religion climatique.

En plus, le « primat de la Communion anglicane » est un retraité de l’industrie pétrolière. Franchement, il n’est pas crédible sur ce coup-là.

Antichristianisme (devenu) banal

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Le grand crucifix de Remoncourt (entre Vittel et Mirecourt) a été scié, de façon que le Christ soit face contre terre…

Le maire, qui rappelle que le cimetière a été « vandalisé » récemment, « n’ose penser qu’il s’agit d’une attaque religieuse »…

Le premier pape de « l’écologie humaine »

Jean-Paul II, encyclique Centesimus annus :

36. Il convient maintenant d’attirer l’attention sur les problèmes spécifiques et sur les menaces qui surgissent à l’intérieur des économies les plus avancées et qui sont liés à leurs caractéristiques particulières. Dans les étapes antérieures du développement, l’homme a toujours vécu sous l’emprise de la nécessité. Ses besoins étaient réduits, définis en quelque sorte par les seules structures objectives de sa constitution physique, et l’activité économique était conçue pour les satisfaire. Il est clair qu’aujourd’hui, le problème n’est pas seulement de lui offrir une quantité suffisante de biens, mais de répondre à une demande de qualité : qualité des marchandises à produire et à consommer ; qualité des services dont on doit disposer ; qualité du milieu et de la vie en général.

La demande d’une existence plus satisfaisante qualitativement et plus riche est en soi légitime. Mais on ne peut que mettre l’accent sur les responsabilités nouvelles et sur les dangers liés à cette étape de l’histoire. Dans la manière dont surgissent les besoins nouveaux et dont ils sont définis, intervient toujours une conception plus ou moins juste de l’homme et de son véritable bien. Dans les choix de la production et de la consommation, se manifeste une culture déterminée qui présente une conception d’ensemble de la vie. C’est là qu’apparaît le phénomène de la consommation. Quand on définit de nouveaux besoins et de nouvelles méthodes pour les satisfaire, il est nécessaire qu’on s’inspire d’une image intégrale de l’homme qui respecte toutes les dimensions de son être et subordonne les dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles. Au contraire, si l’on se réfère directement à ses instincts et si l’on fait abstraction d’une façon ou de l’autre de sa réalité personnelle, consciente et libre, cela peut entraîner des habitudes de consommation et des styles de vie objectivement illégitimes, et souvent préjudiciables à sa santé physique et spirituelle. Le système économique ne comporte pas dans son propre cadre des critères qui permettent de distinguer correctement les formes nouvelles et les plus élevées de satisfaction des besoins humains et les besoins nouveaux induits qui empêchent la personnalité de parvenir à sa maturité. La nécessité et l’urgence apparaissent donc d’un vaste travail éducatif et culturel qui comprenne l’éducation des consommateurs à un usage responsable de leur pouvoir de choisir, la formation d’un sens aigu des responsabilités chez les producteurs, et surtout chez les professionnels des moyens de communication sociale, sans compter l’intervention nécessaire des pouvoirs publics.

La drogue constitue un cas évident de consommation artificielle, préjudiciable à la santé et à la dignité de l’homme, et, certes, difficile à contrôler. Sa diffusion est le signe d’un grave dysfonctionnement du système social qui suppose une « lecture » matérialiste et, en un sens, destructrice des besoins humains. Ainsi, les capacités d’innovation de l’économie libérale finissent par être mises en oeuvre de manière unilatérale et inappropriée. La drogue, et de même la pornographie et d’autres formes de consommation, exploitant la fragilité des faibles, cherchent à remplir le vide spirituel qui s’est produit.

Il n’est pas mauvais de vouloir vivre mieux, mais ce qui est mauvais, c’est le style de vie qui prétend être meilleur quand il est orienté vers l’avoir et non vers l’être, et quand on veut avoir plus, non pour être plus mais pour consommer l’existence avec une jouissance qui est à elle-même sa fin (75). Il est donc nécessaire de s’employer à modeler un style de vie dans lequel les éléments qui déterminent les choix de consommation, d’épargne et d’investissement soient la recherche du vrai, du beau et du bon, ainsi que la communion avec les autres hommes pour une croissance commune. A ce propos, je ne puis m’en tenir à un rappel du devoir de la charité, c’est-à-dire du devoir de donner de son « superflu » et aussi parfois de son « nécessaire » pour subvenir à la vie du pauvre. Je pense au fait que même le choix d’investir en un lieu plutôt que dans un autre, dans un secteur de production plutôt qu’en un autre, est toujours un choix moral et culturel. Une fois réunies certaines conditions nécessaires dans les domaines de l’économie et de la stabilité politique, la décision d’investir, c’est-à-dire d’offrir à un peuple l’occasion de mettre en valeur son travail, est conditionnée également par une attitude de sympathie et par la confiance en la Providence qui révèlent la qualité humaine de celui qui prend la décision.

 

37. A côté du problème de la consommation, la question de l’écologie, qui lui est étroitement connexe, inspire autant d’inquiétude. L’homme, saisi par le désir d’avoir et de jouir plus que par celui d’être et de croître, consomme d’une manière excessive et désordonnée les ressources de la terre et sa vie même. A l’origine de la destruction insensée du milieu naturel, il y a une erreur anthropologique, malheureusement répandue à notre époque. L’homme, qui découvre sa capacité de transformer et en un sens de créer le monde par son travail, oublie que cela s’accomplit toujours à partir du premier don originel des choses fait par Dieu. Il croit pouvoir disposer arbitrairement de la terre, en la soumettant sans mesure à sa volonté, comme si elle n’avait pas une forme et une destination antérieures que Dieu lui a données, que l’homme peut développer mais qu’il ne doit pas trahir. Au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l’œuvre de la création, l’homme se substitue à Dieu et, ainsi, finit par provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par lui (76).

En cela, on remarque avant tout la pauvreté ou la mesquinerie du regard de l’homme, plus animé par le désir de posséder les choses que de les considérer par rapport à la vérité, et qui ne prend pas l’attitude désintéressée, faite de gratuité et de sens esthétique, suscitée par l’émerveillement pour l’être et pour la splendeur qui permet de percevoir dans les choses visibles le message de Dieu invisible qui les a créées. Dans ce domaine, l’humanité d’aujourd’hui doit avoir conscience de ses devoirs et de ses responsabilités envers les générations à venir.

38. En dehors de la destruction irrationnelle du milieu naturel, il faut rappeler ici la destruction encore plus grave du milieu humain, à laquelle on est cependant loin d’accorder l’attention voulue. Alors que l’on se préoccupe à juste titre, même si on est bien loin de ce qui serait nécessaire, de sauvegarder les habitats naturels des différentes espèces animales menacées d’extinction, parce qu’on se rend compte que chacune d’elles apporte sa contribution particulière à l’équilibre général de la terre, on s’engage trop peu dans la sauvegarde des conditions morales d’une « écologie humaine » authentique. Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme qui doit en faire usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté. Dans ce contexte, il faut mentionner les problèmes graves posés par l’urbanisation moderne, la nécessité d’un urbanisme soucieux de la vie des personnes, de même que l’attention qu’il convient de porter à une « écologie sociale » du travail.

L’homme reçoit de Dieu sa dignité essentielle et, avec elle, la capacité de transcender toute organisation de la société dans le sens de la vérité et du bien. Toutefois, il est aussi conditionné par la structure sociale dans laquelle il vit, par l’éducation reçue et par son milieu. Ces éléments peuvent faciliter ou entraver sa vie selon la vérité. Les décisions grâce auxquelles se constitue un milieu humain peuvent créer des structures de péché spécifiques qui entravent le plein épanouissement de ceux qu’elles oppriment de différentes manières. Démanteler de telles structures et les remplacer par des formes plus authentiques de convivialité constitue une tâche qui requiert courage et patience (77).

39. La première structure fondamentale pour une « écologie humaine » est la famille, au sein de laquelle l’homme reçoit des premières notions déterminantes concernant la vérité et le bien, dans laquelle il apprend ce que signifie aimer et être aimé et, par conséquent, ce que veut dire concrètement être une personne. On pense ici à la famille fondée sur le mariage, où le don de soi réciproque de l’homme et de la femme crée un milieu de vie dans lequel l’enfant peut naître et épanouir ses capacités, devenir conscient de sa dignité et se préparer à affronter son destin unique et irremplaçable. Il arrive souvent, au contraire, que l’homme se décourage de réaliser les conditions authentiques de la reproduction humaine, et il est amené à se considérer lui-même et à considérer sa propre vie comme un ensemble de sensations à expérimenter et non comme une oeuvre à accomplir. Il en résulte un manque de liberté qui fait renoncer au devoir de se lier dans la stabilité avec une autre personne et d’engendrer des enfants, ou bien qui amène à considérer ceux-ci comme une de ces nombreuses « choses » que l’on peut avoir ou ne pas avoir, au gré de ses goûts, et qui entrent en concurrence avec d’autres possibilités.

Il faut en revenir à considérer la famille comme le sanctuaire de la vie. En effet, elle est sacrée, elle est le lieu où la vie, don de Dieu, peut être convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses attaques auxquelles elle est exposée, le lieu où elle peut se développer suivant les exigences d’une croissance humaine authentique. Contre ce qu’on appelle la culture de la mort, la famille constitue le lieu de la culture de la vie.

Dans ce domaine, le génie de l’homme semble s’employer plus à limiter, à supprimer ou à annuler les sources de la vie, en recourant même à l’avortement, malheureusement très diffusé dans le monde, qu’à défendre et à élargir les possibilités de la vie elle-même. Dans l’encyclique Sollicitudo rei socialis, ont été dénoncées les campagnes systématiques contre la natalité qui, fondées sur une conception faussée du problème démographique dans un climat de « manque absolu de respect pour la liberté de décision des personnes intéressées », les soumettent fréquemment « à d’intolérables pressions […] pour les plier à cette forme nouvelle d’oppression » (78). Il s’agit de politiques qui étendent leur champ d’action avec des techniques nouvelles jusqu’à parvenir, comme dans une « guerre chimique », à empoisonner la vie de millions d’êtres humains sans défense.

Ces critiques s’adressent moins à un système économique qu’à un système éthique et culturel. En effet, l’économie n’est qu’un aspect et une dimension dans la complexité de l’activité humaine. Si elle devient un absolu, si la production et la consommation des marchandises finissent par occuper le centre de la vie sociale et deviennent la seule valeur de la société, soumise à aucune autre, il faut en chercher la cause non seulement et non tant dans le système économique lui-même, mais dans le fait que le système socio-culturel, ignorant la dimension éthique et religieuse, s’est affaibli et se réduit alors à la production des biens et des services (79).

On peut résumer tout cela en réaffirmant, une fois encore, que la liberté économique n’est qu’un élément de la liberté humaine. Quand elle se rend autonome, quand l’homme est considéré plus comme un producteur ou un consommateur de biens que comme un sujet qui produit et consomme pour vivre, alors elle perd sa juste relation avec la personne humaine et finit par l’aliéner et par l’opprimer (80).

40. L’Etat a le devoir d’assurer la défense et la protection des biens collectifs que sont le milieu naturel et le milieu humain dont la sauvegarde ne peut être obtenue par les seuls mécanismes du marché. Comme, aux temps de l’ancien capitalisme, l’Etat avait le devoir de défendre les droits fondamentaux du travail, de même, avec le nouveau capitalisme, il doit, ainsi que la société, défendre les biens collectifs qui, entre autres, constituent le cadre à l’intérieur duquel il est possible à chacun d’atteindre légitimement ses fins personnelles.

On retrouve ici une nouvelle limite du marché : il y a des besoins collectifs et qualitatifs qui ne peuvent être satisfaits par ses mécanismes ; il y a des nécessités humaines importantes qui échappent à sa logique ; il y a des biens qui, en raison de leur nature, ne peuvent ni ne doivent être vendus ou achetés. Certes, les mécanismes du marché présentent des avantages solides : entre autres, ils aident à mieux utiliser les ressources ; ils favorisent les échanges de produits ; et, surtout, ils placent au centre la volonté et les préférences de la personne, qui, dans un contrat, rencontrent celles d’une autre personne. Toutefois, ils comportent le risque d’une « idolâtrie » du marché qui ignore l’existence des biens qui, par leur nature, ne sont et ne peuvent être de simples marchandises.